vendredi, août 06, 2021

La légende de Zerno ou Jhérnoz

Pour faire suite au blog d'hier, je vais vous présenter aujourd'hui la légende d'un des premiers habitants de ma vallée natale, connu sous le nom de Zerno ou Jhérnoz, mais pour nous faciliter la tâche à tous, nous l'appellerons Zerno. 

Cet homme est antérieur à l'établissement de la religion catholique dans la vallée alpine de Morzine qui était alors très isolée, et aux premiers moines qui ont établi l'abbaye d'Aulph, à 8 km en aval de Morzine. L'abbaye avait été fondée à la fin du XIe siècle par des moines de l'abbaye de Molesme en Bourgogne, dont l'éventuel second abbé d'Aulph, Guarinus de Sitten, allait plus tard devenir saint Guérin. 

Le nom de l'abbaye tire son origine du mot latin alpibus qui signifie « alpages » et qui donnera plus tard son nom au village de St Jean d'Aulps. À son arrivée, l'abbé chercha les éventuels habitants déjà etablis dans le fond de la vallee et identifia trois groupes distincts. 

L'un d'eux, le Zerno, habitait du coté d'Avoriaz, la station de ski bien connue qui domine Morzine, Un autre, Grou Braichard, habitait la vallée de la Manche, et un groupe de trois femmes appelées Dreffena, résidaient autour de ce qui est aujourd'hui le massif skiable de Nyon. 

Une fois installé, l'abbé les convoqua tous car il voulait bien les avoir et les tenir sous son contrôle. Alors que tous les autres avait répondu à l’appel de l’Abbaye, le Zerno n'avait aucune envie de rencontrer l'abbé. Il fallu donc que ce dernier insiste et qu’à force d’être harcelé par l'abbaye, et aussi par curiosité naturelle, il finisse par s’y présenter. 

Là, dans une démonstration de mise en scène bien préparée et quasiment hollywoodienne, le Zerno avait nonchalamment jeté son manteau en peau de loup sur le rayon de soleil qui entrait dans la pièce obscure. À la surprise de tous, y compris de l'abbé, la peau de bête resta en suspension autour du rayon solaire. 

De toute évidence, le Zarno en savait long sur la domestication des photons ! Certain auraient pu penser que c’était un sorcier. Moi, je crois simplement qu’il avait sauté dans une machine à traverser le temps, et en avait profité pour faire quelques semestres d’études au Massachusetts Institute of Technology en 2065 pour étudier la transformation de photons en matériaux d’éclairage solides ! 

C'est alors qu'il se mit à marcher, faisant trois pas en avant et trois pas en arrière. Face à cette tournure d’événements plutôt inhabituelle et au comportement unique du Zerno, l'abbé pensa qu’il était tombé sur un « os » et le laissa partir en paix. 

Mon point de vue personnel est que le Zerno était à la fois un frondeur et un sceptique débordant de bon sens. En suspendant son manteau aux rayons du soleil, il voulait indiquer que ce dernier brillait également pour tout le monde et les moines, qui croyaient être les nouveaux maîtres de la vallée, n'avaient pas le droit de chasser ou de contrôler ceux qui s’y trouvaient déjà. 

Les trois pas en avant et en arrière auraient pu indiquer que le Zerno n'était pas un gros bonnet, qu'il n'avait pas l'intention de défier l'autorité de l'abbé, mais qu'il n'avait nullement besoin de sa religion, voulait vivre librement, au jour le jour, à sa guise, en suivant le flux naturel de prospérité et d'adversité, et qu'en fin de compte, il ne gagnerait pas plus de terrain qu’il n’en perdrait. 

On pourrait appeler cela un esprit indépendant, iconoclaste et libre-penseur, bien avant l'heure. Ce type m’a séduit instantanément. Certes, il s’avère vrai que des légendes similaires existent aussi dans d'autres régions de France et sont là sans doute pour démontrer que certains individus n'avait nul besoin de la chrétienté pour surmonter les peurs que pouvaient susciter leur environnement et leur propre condition humaine.

Aujourd'hui, Jean-Christophe Richard, un artiste local, est également tombé sous le charme du Zerno. Il veut honorer ce personnage en lui érigeant une statue de grande taille, haute de 3,5 mètres, quelque part sur la station de ski d'Avoriaz, le lieu où Zerno habitait.

Pour y parvenir et mener son projet à terme, il lui faut maintenant trouver quelque 40 000 euros. Si quelqu'un est prêt à financer une portion ou l'intégralité des travaux nécessaires, qu’il contacte Jean-Christophe sur son site.

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