dimanche, janvier 23, 2000

Plaisirs de lecture

Dans ce monde dans lequel nous vivons il n’est pas de bien plus précieux que le temps. Le temps de souffler, le temps de se détendre et le temps de lire. S'il est facile de feuilleter un magazine ou de survoler le journal, il est beaucoup plus difficile de se plonger dans un livre et de le lire jusqu'au bout. Entre travail, trajets, réunions et cette sacro-sainte télévision, notre temps libre est tellement sollicité qu'il ne nous reste plus un minute. Nous sommes constamment en train de courir et finissons par ne rien accomplir. Il y a plusieurs années, alors que Thomas et Charlotte étaient encore tous deux à la maison, nous avions institué une heure consacrée à la lecture en commun. Juste après le dîner, chacun se retrouvait autour du feu et prenait son livre pendant une heure. Lorsque Thomas nous a quitté pour l'université, cette pratique est malheureusement tombée et la routine reprennait le dessus. En Décembre dernier, sur l'initiative de Charlotte, nous avons ressuscité cette merveilleuse habitude et presque tous les soirs nous lisons, ensemble, pendant une heure. Cette pratique est devenue en quelque sorte la "bonne résolution" prise en commun pour l'an 2000. Il est extraordinaire de constater que cette lecture communautaire apporte beaucoup de détente et crée une atmosphère dans laquelle il devient très facile de se concentrer et d'apprécier un bon livre. La chaleur d'un bon feu de bois et l'âge aidant il m'est également arrivé plusieurs fois de me laisser un peu trop bercer par la littérature et de m'assoupir sur le divan...

Poubelles futuristes

Rien n'est plus traumatisant que le changement. C'est cependant un art qu'il nous faudra maîtriser de plus en plus alors que nous entrons dans un nouveau millénaire qui nous apportera un flot incessant de changements d'ordre technologiques, professionnels et sociaux. Nous parlons ici de tous ces grands changements fondamentaux et non de ces petites bifurcations quotidiennes qui ne manquent jamais d' être irritantes. C'est justement de l'une d'entre elles dont nous voulons vous parler aujourd'hui. Depuis que nous avons vécu aux États-Unis, nous n'avions jamais eu de problèmes avec l' enlèvement de nos ordures ménagères. Nous nous équipions d'une paire de poubelles, et une fois par semaine les sortions du garage afin que les éboueurs puissent les enlever. Nous sommes du reste certain que le rituel entourant nos déchets ménagers aurait été à peu près le même si nous avions habité Annecy ou Zurich... La seule différence dans cette routine hebdomadaire est que, nous Américains, sortons du lot par notre énorme gaspillage et notre faible taux de recyclage. Il n'est en effet pas rare pour un seul foyer de voir un alignement de 3 ou 4 poubelles et plusieurs cartons le jour où les éboueurs font leur tournées. En fait, comme le ramassage s'effectue assez tôt le matin, nombreux sont les habitants qui sortent leurs poubelles la veille et s'étonnent de constater que leur contenu a été étalé dans la rue par des chiens curieux, musclés et gourmants... On pourra toujours argumenter que l'aspect "poubelle" de notre vie restait un domaine où il
était encore possible d'exercer un certain contrôle sur ce que l'on pouvait faire et d'apprécier un grand sens de liberté qui est l'essence même du rêve Américain. Vous devez également savoir que notre Comté (l’équivalant du canton ou départment Français) est l'entité gouvernementale chargée du ramassage des ordures. Cette fonction est sousmissionnée auprès d'une entreprise privée. Durant les quinze ans pendant lesquelles nous avons habité Park City, cette fonction publique s'était déroulée parfaitement et sans le moindre incident. Vers la fin de 1999, le Comté prenait une décision fatidique en choisissant un nouveau prestataire de service pour le ramassage des ordures ménagères. Ce changement passait largement inaperçu jusqu'au 20 Décembre, jour où chaque maison se voyait attribuer une poubelle géante pouvant contenir plus de 300 litres d'ordure ménagères! Ce conteneur gargantuesque équipé de roues (nous ne pouvons pas appeler cela "roulettes") était du reste accompagné d'une notice d'emploi très détaillée incluant toute une liste d'interdits tels que d'y déposer des animaux morts (vaches, cochons, couvée) des véhicules (Mobylettes) ou encore de larges sommes d'argent. Entre autre, il était impératif que le couvercle soit parfaitement fermé au moment du ramassage et que le récipient soit orienté de manière très précise (Feng Shui). Pour couronner le tout, il était souligné que chaque ménage était responsable de cette énorme récipient et qu'au besoin, il était possible d'acheter des poubelles supplémentaires pour la modique somme de 500 F l’unité. L'idée derrière cette "innovation" est la mécanisation totale du processus. Imaginez la scène: Le camion de ramassage arrive piloté par son chauffeur. Il n'y a plus d'éboueurs; Le chauffeur actionne une pince qui saisit la poubelle, la soulève et verse son contenu dans la benne et le tour est joué! Bien que ce système très efficace ait été utilise à Salt Lake City depuis de nombreuses années, l'idée n'a pas été acceptée à Park City qui est pourtant une petite ville à la pointe du progrès. Cette initiative, perçue comme une véritable atteinte à nos droits de citoyens libres, a provoqué un tollé général et une levée de bouclier dans notre communauté de montagne. Nos concitoyens sont prêts à toutes sortes de sacrifices. Ils sont d’accord pour être lourdement imposés afin de s'offrir un excellent système scolaire ou de pallier à un futur déficit Olympique. Toucher aux poubelles de nos habitant et modifier la façon dont ils gèrent cet aspect intime de leur vie est perçu comme une violation! Les vieux quartiers de Park City avec leurs rues étroites, souvent très encombrées en hiver, et leurs petites maisons munies de garages incapables d'abriter cette poubelle monstrueuse ont réclamé des exemptions en argumentant que ce système inhumain ne pouvait s’intégrer à un quartier si charmant. De plus, l’introduction du nouveau système a été particulièrement houleuse; les horaires étaient bouleversés, les camions ne savaient où aller et le nouveau prestataire devait ré-apprendre tout et repartir à zéro. Un mois après, il ne se passe pas un jour sans que notre journal ou notre radio locale ne rapportent une incident associé à ce nouveau système de ramassage. En un mot, ce changement est devenu si impopulaire qu'il est fort probable que de nombreuses têtes politiques vont tomber aux prochaines élections du Comté. Comme on dit en Amérique: "Si le système n'est pas cassé, à quoi bon le changer?"