dimanche, juillet 25, 2021

Un premier tour du monde, 30e partie

Kooroora était l'endroit où chacun se rassemblait et donc où n'importe était assuré de nous trouver en début de nuit. 

Au début, on ne connaissait pas Kooroora pour sa vocation hôtelière, mais plutôt et surtout pour son bar tapageur et difficile à aborder, son ambiance en constante ébullition et son bruit insupportable. 

L'établissement était à deux pas de chez nous et on nous y avait envoyé dans un premier temps pour « rencontrer des gens », c'est-à-dire pour faire un bon travail de relations publiques afin d'attirer les hivernant vers nos remontées Bleues et notre École du Ski Français. 

Nos atouts essentiels étaient notre accent français, notre jeunesse et notre beauté naturelle, et pas forcément dans cet ordre. 

À l'origine, Kooroora était un mot aborigène signifiant un lieu de rassemblement joyeux. Le nom avait été suggéré par un tenancier de magasin de ski de Melbourne à Ernest Forras, son fondateur en 1953. Le bar et dancing de Kooroora était les lieux d'après-ski les plus animés et le plus bruyants des Alpes victoriennes, saturés de fumée, au plancher glissant avec toute la bière et l'alcool renversé, et constamment prêt à faire exploser tous les tympans avec sa musique trop forte.

La réputation de l'endroit en tant « qu’endroit parfait pour faire la fête » s’était bâtie sur des décennies de soirées arrosées où les skieurs victoriens dansaient sur le plancher collants où la moitié de l'alcool consommé dégoulinait et la plupart des clients se réveillaient avec une gueule de bois terrible le lendemain matin s’ils n’étaient pas déjà passés de vie à trépas. 

C'est ici que j'ai reçu ma première formation fondamentale sur les cocktails en tout genre connus sur la planète. Les clients ont dû payer la plupart de ce que certains d'entre nous ont bu, car s'ils ne l'avaient pas fait, je ferais toujours la vaisselle pour régler mes notes de bar en 2021 ! 

Le médecin aurait pu nous dire que ce n'était pas du très bon pour nos cellules cérébrales qui fondaient un peu plus à chaque tournée, mais l'éducateur le contrait en affirmant que c'était excellent pour améliorer notre anglais car l'alcool éliminait les derniers remparts d'inhibition de notre psyché. 

Nous pensions tous que nous étions beaucoup intelligents et cohérents après une série de boissons prises au bar, comme forme « d’échauffement ». 

Après une nuit à Koorora, ce qui était pour moi un rituel quotidien, nous nous transportions en mode de pilotage automatique jusqu'à notre logement, devions léviter dans l'escalier et ne pouvions guère nous réveiller que quelques minutes avant le petit-déjeuner. 

Telle une seconde mère, Kooroora a toujours été là pour nous et ne nous a jamais laissés inactifs ou assoiffés une seule seconde. Entre cours de ski et temps passé à Kooroora, ce dernier lieu consommait largement la plupart de nos heures d’éveil à Mt. Buller ... 

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