Il y a tout juste cinquante ans ce mois-ci, j'avais décidé de me mettre sérieusement à l'allemand. J'avais caressé l'idée de retourner à Mt. Buller, en Australie et, pour changer d'atmosphère, enseigner à l'école de ski autrichienne comme mon ami JP Chatellard l'avait fait en 1972. Je pensais aussi que connaître l'allemand élargirait ma clientèle à Avoriaz, la jeune station ayant su attirer un bon nombre de visiteurs européens.
Toujours quelqu'un qui croit en l'immersion totale et prêt à franchir les obstacles, j'ai sauté dans mon break Renault 12 et en quittant mon domicile en Haute-Savoie, me suis dirigé à travers la Suisse, jusqu'au lac de Constance, puis j'ai viré en direction du Voralberg autrichien, traversant les merveilleux paysages que ce pays offre jusqu'au Tyrol et j’ai poursuivi jusqu'à Garmish-Partenkirschen en Bavière. Huit heures au volant pour parcourir près de 600 kilomètres !
Là, je suis immédiatement allé au bureau local de l'emploi, j'ai acheté des journaux afin de trouver un emploi qui pourrait me soutenir pendant que j'améliore mon allemand (j'avais étudié en autodidacte pendant environ un an et je pouvais exprimer mes joies, mes peines et satisfaire mes besoins les plus élémentaires, mais je ne parlais pas encore assez bien). J’ai aussitôt trouvé un emploi de serveur (une de mes compétences, en plus d’être un moniteur de ski) dans un restaurant touristique à Grainau, à seulement 10 minutes de là. Je me suis présenté et j'ai dû faire une assez bonne impression car j'ai obtenu le poste sur-le-champ. Le salaire était correct et comprenait la chambre et la pension, ce qui était parfait.La propriétaire du restaurant, une matrone impressionnante, m'a immédiatement emmenée dans un grand magasin de Garmish où elle m'a fait acheter un uniforme composé d'un pantalon noir, de chaussures noires assorties et d'une chemise blanche (elle avait quand même eu l’amabilité de me prêter le tablier de serveur).
Sans perdre une minute de plus, j'ai commencé à servir les clients. Un véritable baptême par le feu ! Je ne comprenais pas très bien les clients qui parlaient avec divers accents et dialectes. Le premier plat que j'ai appris et que je n'oublie jamais sur ce sacré menu était le « Blaue Forelle » , la truite au bleu. Pendant une semaine, j'ai lutté comme un beau diable et, le septième jour, j'ai tout abandonné, jeté l'éponge, rendu le tablier et suis rentré en France.
Mon geste audacieux et ambitieux n'était pas à la hauteur de ma faible patience et de mon manque de confiance en moi. J'ai presque tout de suite regretté d'avoir abandonné ce projet, et c'est ainsi que j'ai appris que la patience vaut de l'or, et qu'à partir de ce moment-là, il me faudrait augmenter considérablement le dosage si je voulais vraiment réussir !
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