La réponse à mon blog d’hier d’Alain Lazard, un ancien coureur du GUC, entraineur et aujourd'hui conseiller à la retraite dans la branche du ski et qui vit au pied des Sierras de Californie, était à la fois tellement complète et intéressante que j’ai jugé quelle méritait d’être publiée aujourd’hui ...
Un commentaire tout d'abord sur ton introduction. Je suis tout à fait d'accord avec toi que le Super G est une épreuve inutile, techniquement parlant. De plus, cela coûte beaucoup d'argent pour organiser une quatrième discipline alors que l'organisation des épreuves de ski Alpins sont déjà très coûteuses sans cela.
Les descentes boulevards sont aussi sans intérêts. En fait, une épreuve intermédiaire enter le SG et la descente actuelle remplacerait avantageusement les deux. Je pense à des profils comme la verte des Houches par exemple.
Pour ce qui du slalom, je ne suis pas d'accord avec toi. Je ne pense pas que les nouveaux piquets escamotables et les skis courts à taille fine aient changé les choses dramatiquement. On fait plus tourner les tracés pour une même ligne de course avec les chaussures passant aux ras des piquets au lieu que ce soient les épaules comme à notre époque. Les slalomeurs de nos jours ressemblent à des gladiateurs en armures des pieds à la tête. C'est une épreuve très différente des autres disciplines Alpines où les qualités intrinsèques de skieur passent au second plan, derrière la vélocité, l'influx nerveux, etc. Je peux te citer l'exemple d'un gars comme Gérard Bonnevie qui a fini quatrième au slalom des Championnats du Monde de Saint Moritz (1974) et que je ne qualifierais pas de bon skieur. Il aurait beaucoup de mal à te suivre à ta treizième descente de Thaynes, spécialement si un pied de poudreuse recouvrirait la piste.
Pour ce qui est des qualités nécessaires pour gagner à ski, je suis grosso modo d'accord avec ton analyse, mais j'approcherait la description différemment en introduisant deux catégories supplémentaires et en incorporant le "meilleur" moyen pour atteindre ces qualités:
1- Pour moi, la qualité primordiale est celle que l'on ne peut acquérir qu'en ski libre: Sentir la neige, ou "l'intelligence des pieds" comme l'appelait un certain entraîneur très controversé. J'irai même plus loin et je prétends que la pratique de la compétition trop tôt est contreproductive. J'ai expérimenté cela quand j'étais en charge du Far West pour le USSA/USST. Les parents inscrivaient leur gamins de 10-12 ans à une ou deux courses par week-end (25 à 30 courses par saison) afin qu'ils fassent des points … et de ce fait ne skiaient jamais. Pour contrecarrer cette situation j'avais établis un système de points qui comptait les deux meilleurs résultats par discipline et qui enlevait 10% de ces points par départ pour toutes courses accomplies dans la saison au delà de 6 courses dans la même discipline ou 12 courses au total pour la saison. Parallèlement à cela, j'organisais des stages où les gamins faisaient du ski libre à longueur de journée derrière des bons skieurs naturels comme Philippe Mollard. Tamara McKinney est passé par ce programme et ça ne l'a pas trop endommagée.
2a - La deuxième phase des qualités techniques –dans les portes- ne doit intervenir qu'après un avancement important dans la première phase du ski "naturel". Pour un skieur accompli, ce n'est pas un pas difficile à franchir. Les qualités requises de l'entraîneur sont très différentes de celles de la première phase. Certains entraîneurs excellent dans une des phases, d'autre dans l'autre, très peu dans les deux et un bon nombre dans aucunes des deux.
2b - La pratique des portes est sans doute suffisante pour améliorer les qualités servo-motrices sauf si des points faibles sont décelés et des exercices spécifiques existent pour les palier. L'élément indispensable pour progresser dans ce domaine est d'être exposé relativement tôt à des skieurs de très haut niveau. C'est un problème pour les grands pays Alpins qui ont pléthore de coureurs qui reste sur le circuit de la coupe du monde jusqu'à un âge avancé et qui de ce fait barre la route à des jeunes de talents qui les dépasseraient rapidement avec la propre exposition aux ténors de l'époque.
3 - Pour ce qui est de l'entraînement physique, aucuns doutes de son importance. L'aspect cardio-vasculaire doit être proche de ce qui se fait en athlétisme pour les coureurs de 400m à 1.500m, quoiqu'une partie endurance est nécessaire pour faire face aux longues journées sur la neige. La musculation doit combiner puissance (surtout pour les descendeurs) et puissance-vitesse (surtout pour les slalomeurs).
4 - Pour ce qui est du mental, le problème est vraiment différent d'un individu à l'autre. C'est là que les entraîneurs peuvent faire le plus grand bien … ou le plus grand mal. Certains skieurs arrivent sur les circuits armés de nerfs d'aciers et n'ont pratiquement besoin de personne pour s'en sortir. D'autres sont hyper sensibles et ont des performances très inégales d'une saison sur l'autre, voire d'une course à l'autre, sans parler d'exploits à l'entraînement et de résultats décevants en course. C'est un domaine que je connais mal et qui demande de vrais spécialistes que rarement les équipes ont à leur disposition.
Pour faire un classement des qualités nécessaires je mettrai les qualités de skieur intrinsèque (#1) en première position à 40%, puis le mental (#4) à 25%, la technique propre à la compétition (#2 a & b) à 20% et finalement les qualités physiques (#3) à 15%.
Ce classement est très arbitraire et l'absence d'un des ingrédients est suffisant pour annuler tous les bienfaits des autres, à l'exception peut-être des qualités mentales dont l'absence peut laisser la place à un exploit une fois dans sa carrière mais interdit toute régularité dans les résultats.
Il faut aussi tenir compte de l'interaction des qualités ci-dessus l'une sur l'autre. Sans une solide technique et le potentiel de bons résultats, un moral d'acier a peu d'utilité sinon de faire perdurer une carrière sans avenir. La base nécessaire demeure donc bien une solide technique qui ouvre la porte sur des résultats. La réalisation de ces derniers permet au moral de suivre et prendre le dessus.
Les éléments servomoteurs s'acquièrent beaucoup plus facilement tôt dans la vie. À partir d'un certain âge c'est beaucoup plus difficile sinon impossible. L'amélioration de la condition physique et du mental est réalisable plus tardivement. Faisons donc les choses dans l'ordre, ce que les programmes nationaux de sélection ne facilitent pas en général.
Un dernier point: J'insiste sur l'importance de ce que tu appelles "ne faire qu'un avec l'élément" soit la qualité de skieur naturel. Une fois ceci acquis, l'esprit est libre de se concentrer sur les questions techniques, tactiques, etc. et permet de progresser dans les autres domaines. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs!
On n'a rien dit de l'équipement. Il est évident qu'il faut qu'il soit de qualité et adapté au style du skieur.
Tout cela fait un peu brouillon, mais c'est ce qui m'est passé par la tête ce beau dimanche de février.
Alain Lazard, Penn Valley, Californie
NDLR: Ne manquez pas de lire tous les autres commentaires qui apparaissent au bas du blog précédent et apportent des tas d'arguments supplémentaires omis dans mon analyse bien succinte...
lundi, février 16, 2009
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