Pour Eric Chevasson, il ont enseigné le ski ensemble aux Carroz d’Arache. Même chose pour Jean-Pierre Pascal qui l’avait rencontré quand ils enseignaient à Mt Buller, en Australie, sous l’égide d’Henri Patty où les deux s’étaient liés d'amitié.
En fin de saison, ils avaient acheté une veille jeep pour rentrer d’Australie en Europe, via le Liban, où ils avaient une connexion pour enseigner aux Cèdres . « Une histoire de barjots ! À l’époque, en 1968, nous étions jeunes et inconscient », se rappelle JP Pascal,
« Le voyage entre Melbourne et Sydney eut raison de la jeep. Nous avons alors décidé de partir vers les États-Unis en prenant un paquebot d'immigrants italien qui rentrait en Europe par le canal de Panama en faisant escale dans les îles du pacifique et au Mexique à Acapulco, où nous avons débarqué pour rejoindre les USA.
Nous nous sommes alors séparés, Jean Noël a pris l'avion pour Los Angeles afin de rejoindre un cousin, et moi j'ai fait du stop jusqu’à Laredo, au Texas, puis j’ai rejoint Jean-Noël chez son cousin en Californie, par bus Greyhound. Nous avions acheté en Australie des forfaits de bus Greyhound qui nous permettaient de voyager pendant 90jours pour 90 dollars dans tous les États-Unis.
Jean-Noël avait un contrat pour enseigner dans l'Est des États-Unis où il avait déjà passé une saison dans une station dont je ne me souviens plus du nom. De mon côté je suis parti à Squaw Valley me présenter à Joe Marillac qui avait suivi Émile Allais après les jeux Olympiques, et venait de quitter la direction de l’école de ski. Gilbert Mollard qui avait été mon camarade de chambre à Mt.Buller et avait fait une saison à Squaw Valley m'avait conseillé sur les politiques locales. J'ai été immédiatement embauché par le nouveau directeur Stan Tomlinson car j'étais entraîneur et ouvreur de chamois, L'hiver suivant, fort de mes connections locales, j'avais aidé à faire embaucher Jean-Noël à Squaw Valley … »Le retour d’ascenseur opérera un peu plus tard, quand Jean-Noël avait fait rentrer Eric chez Look sur les recommandations de son vieux copain, Loïc David. Toujours loyal et sincère, Jean-Noël allait en retour beaucoup aider JP Pascal dans ses relations avec Look et avec ses programmes de compétitions et camps d’entraînement au Chili et en Argentine.
Né le jour de Noël 1945 à Lyon – d’où son prénom – Jean-Noël avait deux frères, un était acteur (il jouait le rôle du docteur dans : « La vie est un long fleuve tranquille »), et est mort du Sida dans les années 80. L’autre était restaurateur à Neuilly sur l’île de la Jatte. Il avait aussi une demi-sœur du côté de son père. Il avait passé son Diplôme National de moniteur à l’ENSA grâce à un congé que lui avait octroyé Look tout comme cela avait été fait plus tard pour Joël Gros et Jean-François Lanvers.
Eric évoque alors son ami Jean-Noël : « Coureur de filles invétéré, en ville avec lui, pas moyen d’avancer, arrêt pour chaque fille croisée sur le trottoir. Sa devise, toujours essayer, il y en a 99 qui vont dire non mais la centième sera d’accord. Nous habitions ensemble à Nevers et souvent il ramenait des filles draguées en rentrant à la maison. »
Eric poursuit sur la piste de ses souvenirs : « Jean-Noël était intelligent mais un peu brouillon. Lorsque nous devions faire des rapports ou exposer des idées, il attaquait l´écriture pendant que je réfléchissais. Après 15 à 20 minutes, je lui disais OK, voilà comment on va faire . Il arrêtait d’écrire et au fur et à mesure que je déployais mon plan,on incorporait ce qu’il avait déjà écrit au bon endroit de manière à créer un texte compréhensible. »
En ce qui me concerne, je me souviens encore de mon arrivée chez Look le lundi 2 septembre 1974. J’avais d'abord rencontré Madame Beyl, et j'avais été présenté à un groupe de cadres de l'organisation lors d’une visite rapide de l'usine. Enfin, je rentrais dans une grande pièce remplie de bureaux disposés en cercle et se faisant face, qui allait être mon bureau, en compagnie d’Eric Chevasson et de Jean-Noël Vacher que je rencontrais pour la première fois.
Tous deux étaient responsables des ventes internationales de Look. J'étais ravi de trouver ces gars qui mélangeaient esprit d'aventure avec une pointe d’irrévérence. Ils offraient un contraste plutôt sympathique par rapport à une direction d'entreprise très guindée et très « vieille France » ...Je n'oublierai jamais les éléments qui décoraient leurs bureaux, certains se moquant des fixations Su-matic, vénérable concurrent suisse, ou jouant sur les mots avec des cartes destinés aux sièges inoccupés des avions de la TWA.
Pour moi, Jean-Noël était presque tout aussi emblématique de Look que ne l’étaient Jean ou Huguette Beyl. En fait, je le trouvais très iconoclaste, toujours armé d'une bonne dose d'humour et projetant un rayon de soleil dans un lieu très conservateur, perdu dans une région oubliée du centre de la France. Quand je suis rentré chez Look, je l'ai toujours trouvé super-sympa et très accueillant, car c’est souvent que nous retrouvions dans sa demeure historique merveilleusement restaurée et parfaitement décorée, tout près de la Porte du Croux, au centre de Nevers, où les disques de Cat Stevens passaient en boucle sur sa chaîne Hi-Fi. Avec Eric, Jean-Noël s'occupait des ventes à l’export et avait travaillé pendant un temps avec Beconta, le distributeur de Look aux États-Unis. Suite à des accrochages et à des conflits de personnalité avec Norm McLeod, un cadre de Beconta, (Jean-Noël était plutôt « artiste » alors que Norm était un ancien militaire), il avait été remplacé par Eric pour s’occuper de ce marché et avait conservé le Japon, où le distributeur était Nichirey, ainsi que tous les autres pays du Pacifique et de l’Europe.C’est aussi lui, qui par l’intermédiaire de Joël Gros était allé chercher Jean Barbier à Munich, où il travaillait dans le magasin SportChek, et l’avait embauché pour soutenir les efforts de promotion de la nouvelle filiale Look de Feldkirsch, en Autriche.
En 1975 Jean-Noël quittait Look afin de poursuivre une carrière de commissaire-priseur à Lyon. Une fois son diplôme en poche, il acheta une charge et rentra à l’université pour y faire ses études de droit. Il devint ensuite professeur d’art ancien à l’université de Lyon, spécialisé en bijoux et mobilier. Grâce à ses connaissances exceptionnelles et à ses diplômes, il devint aussi expert auprès des assurances, établissant son cabinet dans le même immeuble où se trouvait son très bel appartement.
Dans ce même immeuble, se situait aussi une école de danse pour enfants. Là, il avait rencontré une baby-sitter qui amenait une fillette pour ses cours. Roumaine et à la recherche d’un parti bien nantit, elle mis le grappin sur Jean-Noël qui voulait à tout prix avoir des enfants. Résultat : deux fils et une vie d’esclave (il se retrouve en charge des enfants, des courses et de la cuisine,sans aucune aide de sa femme). Ses affaires étaient florissantes et il avait mis au point un système informatique pour retrouver des objets d’art volés.Il travaillait alors étroitement avec la police Lyonnaise. Eric et Jean-Noël s’étaient du reste retrouvés pour les 50 ans de JP Pascal, quand ce dernier dirigeait Starway. en mars 1994.Grâce à ses relations rapprochées avec la police, il apprend que sa femme va très souvent se plaindre auprès de ceux-ci en l’accusant de violence et d’abus sur les enfants. Profondément affecté par ses révélations, il développe une tumeur au cerveau qui, progressivement, ne lui permet plus ni de conduire, ni de travailler (il embauche un vieux copain pour gérer son étude et superviser ses deux employés).
Sa femme s'est acoquinée avec la sœur [de Jean-Noël ?] pour essayer de s’accaparer de tous ses biens. La dernière fois que JP Pascal a vu Jean-Noël,il était accompagné de sa mère sur son lit d’hôpital peu de temps avant sa mort.
Eric ne sais pas si il avait réussi à tout mettre au nom des enfants avant sa mort, le 12 décembre 2004, à l’aube de ses 59 ans, trois jours après la visite d’Eric à Hauteville, dans l’Ain, au centre de rééducation où il se trouvait, près d’Ambérieu-en-Bugey. Eric ajoute que Jean-Noël l´appelait tous les jours pour lui dire de venir le voir.
La vitalité, l’humour et le sens artistique de Jean-Noël nous manquent désormais depuis longtemps. Reposes en paix l’ami.
Propos recueillis par JF Lanvers, grâce aux témoignages d’Eric Chevasson et Jean-Pierre Pascal.