Il arrive que des chaussures de ski en plastique se cassent sans raison apparente. Je me souviens de l'époque où je travaillais dans la chaussures de ski et où nous avions des réclamations de garantie pour des coques de chaussures de ski en polyuréthane (PU) qui s’étaient brisées en mille morceaux. En décembre 2021, j'avais acheté une nouvelle paire de chaussures Nordica et, après 21 sorties, une d'elles s'est cassée.
Plus tôt cette semaine, un ami français m'a montré comment certaines coques de chaussures Nordica, après des années de stockage, pouvaient se briser en morceaux comme un gros œuf de Pâques en chocolat. Tout cela m'a incité à enquêter sur les origines techniques de ce problème bizarre. Le coupable est l'hydrolyse, une forme de défaillance courante et frustrante pour les plastiques, en particulier le PU, stockés pendant de longues périodes dans certaines conditions.
L'hydrolyse est une réaction chimique où l'eau (hydro-) rompt (-lyse) des liaisons chimiques. Dans le cas du PU, nous avons un polymère composé de longues chaînes d'unités répétitives, liées par des liaisons chimiques spécifiques (souvent appelées liaisons ester ou uréthane). L'eau a une influence considérable sur ce matériau. L'humidité ambiante attaque et rompt lentement les liaisons ester ou uréthane des chaînes polymères. Quand ces liaisons se rompent, les longues chaînes polymères qui confèrent au plastique sa résistance et sa flexibilité se raccourcissent.
À mesure que ces chaînes se dégradent, le matériau perd ses propriétés mécaniques. Il devient cassant, perd son élasticité et sa résistance diminue considérablement. Finalement, le matériau devient si cassant et fragile qu'une simple contrainte (comme le fait de chausser, ou même de simples fluctuations de température) peut briser un coque en petits morceaux, comme du chocolat desséché.
Si l'eau est le principal agent, plusieurs facteurs accélèrent cette dégradation, comme les températures élevées qui augmentent la vitesse des réactions chimiques, au point que le stockage des chaussures de ski dans un grenier, un garage ou un hangar chaud accélère considérablement l'hydrolyse. Même une chaleur modérée pendant plusieurs années contribue à sa détérioration. L'humidité joue un rôle actif. Plus l'air est humide, plus les molécules d'eau sont facilement disponibles pour attaquer les liaisons polymères.
Ajoutez à ce lent processus le facteur temps (on parle en années, de 5 à 15 ans et plus, selon la formulation du plastique et les conditions de stockage). Ce facteur varie selon les formulations de PU, car tous les PU ne sont pas tous les mêmes. Certaines formulations résistent mieux à l'hydrolyse que d'autres, ce qui explique pourquoi certaines chaussures de ski cassent moins facilement. Il faut également tenir compte de l'exposition aux rayons ultraviolets (UV). La lumière solaire et les rayons UV oxydent et fragilisent davantage le polymère, surtout si les chaussures ont été stockées dans un grenier ou un garage soumis à d'importantes variations de température.
Même pendant le stockage, l'exposition aux UV des lampes fluorescentes ou une brève utilisation en extérieur crée des radicaux libres qui attaquent la structure moléculaire du PU. Si les UV directs ne sont pas la cause principale de ces problèmes, l'exposition environnementale générale peut accentuer cette dégradation. Le PU contient souvent des plastifiants qui s'infiltrent avec le temps. En s'évaporant ou en migrant, le matériau durcit et se fissure.
Il est fréquent de voir un film gras sur de vieilles chaussures : c’est du plastifiant dégradé qui suinte. Le problème vient du PU en raison de ses propriétés spécifiques. Les chaussures doivent être rigides, mais aussi flexibles, et suffisamment solides pour résister aux basses températures qui rendent le PU plus fragile. Stockées dans un garage froid, les cycles de gel/dégel accélèrent sa dégradation.
Enfin, il semble qu'entre les années 1980 et le début des années 2000, de nombreuses formulations de PU étaient sujettes à l'hydrolyse. Les chaussures modernes intègrent souvent du TPU (PU thermoplastique), ce qui ralentit la dégradation. Le choix du PU, combiné aux conditions de stockage habituelles (souvent des garages froids/chauds, ou des greniers) font subir aux coques d'importantes fluctuations de température et d'humidité, et en font des candidates idéales à l'hydrolyse sur de longues périodes.
Moralité : prenez bien soin de vos chaussures de ski pour éviter qu'elles n'explosent sous vos pieds quand vous descendez un couloir de 50 degrés !
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