samedi, novembre 13, 2010

Mon point de vue sur Georges Joubert

Au début du mois, ce célèbre entraineur et technicien du ski français décédait. Personnage controversé, il était surtout connu pour avoir décapité l'équipe de ski français en 1973. Alain Lazard, un de mes amis qui est en train de retracer cet incident m'a demandé de partager mon opinion sur le sujet ...

Il est tout à fait vrai qu'à l'époque, il existait un fossé assez profond entre les skieurs élevés en montagne et leurs homologues citadin, ces derniers étant généralement plus loquaces, mieux affirmés et un peu plus instruits. De leur coté, les montagnards restaient simples et pratiques, très près de la nature et assez taciturnes. Les citadins voulaient changer le monde du ski, y apporter des éclaircissements, faire preuve de leur valeur afin d'être finalement acceptés par les populations des stations.

Jean Vuarnet, l'acolyte de Joubert depuis bien longtemps, était un hybride, ayant été partiellement élevé à Morzine, mon pays, mais n'avais jamais été vraiment accepté par la population locale qui restait méfiante par rapport à son « instruction » et ce n'est que très récemment que Morzine l'a enfin reconnu quand cela est devenu une occasion incontournable de promouvoir la station. If faut bien souligner que dans les années 60 et 70 les « montagnards » ne discutaient absolument pas les dogmes de l'ENSA (École Nationale de Ski et d'Alpinisme), ils les appliquaient tout simplement à la lettre. De son coté Joubert, était trop iconoclaste pour être accepté par ce groupe, et laissé en dehors de la tente, il ne pouvait guère que défier ce qui était en France l'équivalent du Vatican pour la religion du ski. Bien sûr, il est dommage que l'ENSA n'ai pas eu le courage d'engager Joubert; le ski dans son ensemble se serait considérablement enrichit de cette confluence ...

Joubert qui était un bon observateur de skieurs de haut niveau s'était mis à écrire des livres et amener un peu de théorie dans un monde resté très dogmatique, non seulement en France, mais aussi en Autriche, l'aile opposée de la culture du ski de l'époque. Son analyse technique fondée sur l'observation des champions du moment, apportait quelques bonnes observations, mais présentait aussi pas mal de lacunes dans son approche. L'équipement, déjà en constante évolution, constituait l'une de ces importantes charnières et la méthodologie offerte par Joubert ne tenait guère la route, restant très fragmentaire par rapport au petit opuscule de l'ENSA, connu sous le titre « Mémento du Ski Français. »

À mon avis, Joubert était sur la bonne piste, mais n'a jamais creusé suffisamment pour découvrir et élaborer une méthode d'enseignement liant bien toutes ses observations. Quoi qu'il en soit, je pense toujours que Joubert a contribué énormément à la promotion du ski en y apportant un point de vue alternatif, mais n'a pas réussit à vraiment faire le tour du sujet. Je sais aussi que Joubert a joué un rôle important dans les ski-tests publiés par le magazine Français « Ski, » mais je ne les ait pas suffisamment disséqués pour pouvoir exprimer une opinion sur ceux-ci.

En ce qui concerne les événements de Val d'Isère, comme la plupart de ceux qui en parlent encore aujourd'hui, je n'étais pas présent lorsque Joubert, Vuarnet (son associé,) Martel (le président de la fédération) et Mazeaud (le ministre des Sports) ont annoncé qu'ils allaient jeter le bébé et l'eau du bain. La question que l'on est tous en droit de se poser est bien sûr, qui a fait pencher la balance? Était-ce un consensus partagé entre les quatre participants, n'y a-t-il eu qu'un seul, deux ou trois d'entre eux qui ont tiré sur la gâchette, nous ne le saurons jamais, mais il suffit de dire que leur réaction était trop épidermique et qu'elle était sans doute le sous-produit de frustration de la part des deux entraîneurs qui avaient affaires à des athlètes poussés dans leurs retranchement, sans doute un peu prima-donnas et à qui le tandem Joubert-Vuarnet n'avaient pas été capable de « vendre » sa philosophie d'entrainement.

Une autre grande leçon à tirer de ce fiasco est que les décisions hâtives et irrévocables sont toujours à éviter. Encore une fois, Georges Joubert n'était pas seul impliqué dans ce processus décisionnel. Il est aussi utile de rappeler qu'avant sa mission auprès des équipes de France, Jean Vuarnet avait travaillé dans des circonstances assez similaires, en capacité de conseiller auprès de la « Squadra Azzurra, » l'équipe Italienne, qui se mit à rafler toutes les victoires en ski masculin au début des années 70. Je pense qu'en fait, Vuarnet a d'avantage aidé à organiser le pool de fournisseurs italien qu'à montrer à Gros, Stricker et Thoeni là où ils devaient planter le bâton.
Ceci dit, je crois que la décision de guillotiner les équipes féminines et masculines françaises a été fait beaucoup trop rapidement et a été une punition tout à fait disproportionnée par rapport a la situation sur le terrain. Je pense encore que les conséquences de se geste se sont fait sentir sur l'équipe française pendant des décennies et perdurent peut-être encore aujourd'hui. Le quatuor de Val d'Isère aurais simplement dû suspendre certains athlètes, mais je pense qu'aujourd'hui il est un peu tard pour repousser la pâte à l'intérieur du tube de dentifrice. C'est pour le moins mon opinion.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout ce que vous voulez savoir sur Georges JOUBERT
son site officiel
http://www.joubert-georges.info

Anonyme a dit…

Tout ce que vous voulez savoir sur Georges JOUBERT
son site officiel
http://www.joubert-georges.info

Pierre a dit…

Tout a fait d'accord sur l'analyse. Cette décision (ou plutôt coups de gueule) est une aberration qu’un acte terroriste sur les intérêts du ski français n’aurait pas pu surpasser en résultats néfastes. Apres cet acte de caractériel l’équipe de France n’a plus jamais été la force dominatrice d’antan, une aberration incompréhensible. Comme vous voyez c'est le genre de truc qui peut ecore ennerver 37 ans plus tard...

Jean Louis Truchi a dit…

Je pense que l'auteur de l'article n'a jamais rencontré ni parlé avec Georges Joubert. Ni jamais lu ses livres qui étaient non pas de la littérature, mais une vraie méthode de ski, avec des innovations dans la technique, dont l'avalement, toujours pratiqué en compétition, 40 ans plus tard.... Joubert a formé deux grands champions, Perrine Pelen et Patrick Russel, et d'autres coureurs de l'équipe de France Universitaire, qui ont choisi de poursuivre des études plutôt qu'une carrière sportive au niveau international, comme par exemple Eric Stahl.

J'étais à la Foux d'Allos le 8 décembre 1973, au départ de la descente à côté de Joubert et Vuarnet, et après la course j'ai parlé avec Joubert que je connaissais bien pour avoir fait plusieurs stages avec lui au refuge de Sarennes et à celui des Deux Alpes, bien que ne faisant pas partie du GUC et déjà trop vieux pour être étudiant à cette époque. Joubert à la tête de l'équipe de France s'est trouvé obligé de faire face à une forte opposition des skieurs les plus vieux de l'équipe de France poussés en sous main par Honoré Bonnet, qui voulait récupérer son poste ... Les " anciens " de l'équipe s'accrochaient à leur sinécure, sans faire aucun effort au niveau sportif et Bonnet n'avait pas formé de relève..... La différence de niveau technique entre Bonnet et le tandem Joubert/Vuarnet a aussi fait peur aux mandarins de la Fédé, complètement dépassés .... Par exemple, Bonnet comme la Fédé étaient contrairement à Joubert incapables de comprendre la justesse d'un calcul de trajectoire en géant fait par un chercheur du CNRS à l'observatoire de Nice, basé sur les mathématiques, que Joubert lui a expérimenté sur le terrain avec ses étudiants, chrono en main pour la vérifier et la valider, trajectoire adopté par tous depuis .... Et comme le chantait Guy Beart : " Le premier qui dit la vérité, il sera exécuté " ... Exit Joubert donc !