Je lisais récemment un article dans la revue américaine Skiing Heritage à propos du damage des pistes de ski au moyens de rouleaux à neige, pratique qui était encore en vigueur jusqu'à la fin des années cinquante en Amérique et presque jusqu'au milieu des années soixante dans les Alpes françaises. Je m'en souviens bien, car mon frère Gaston, à l'époque, était ce qu'on appelait un « pisteur secouriste » dont le travail consistait à damer les pistes et secourir les blessés. Comme je l'ai récemment appelé à l'occasion de son 70e anniversaire, je lui ai demandé de rafraichir ma mémoire sur son expérience de damage au moyen de ces fameux rouleaux.
Un jour de neige, les pisteurs sautaient dans la benne de 7 heures au téléphérique du Pleney, à Morzine. Arrivés au sommet, ils préparaient leur matériel et se mettaient au travail par équipe de deux. Sur pentes moyennes, les choses allaient assez bien quand les conditions étaient normales. S'il y avait beaucoup de neige fraîche la situation pouvait être fort différente. La piste « B » par exemple était longue et en pente douce, et si la neige était abondante, cela pouvait prendre trois bonnes heures pour tout damer. La première équipe de rouleaux était parfois freinée jusqu'à l'arrêt complet dans certaines parties assez plates, tandis que l'équipe suivante qui chevauchait légèrement la trace précédente avait plus d'élan et pouvait dépasser tout le monde sans avoir à s'arrêter et tirer les rouleaux. Sur les pistes plus raides, c'était une toute autre histoire où contrôler la vitesse devenait impératif, en particulier le gars qui était à l'avant de l'équipage devait avoir entière confiance en son co-équipier arrière; la sécurité des employés n'était pas encore une priorité! Derrière, le co-équipier avait comme mission de ne jamais lacher le brancard pour éviter que le rouleau ne passe devant le pilote dans les pentes raides; le plus souvent ce même brancardier arrière ne voyait absolument rien et effectuait la descente entièrement aveuglé par les projections de neige continuelles en provenance du rouleau.
Les rouleaux étaient munis de freins internes qui étaient actionnés en appuyant fort sur les bras avant et arrière, nécessitant parfois un effort important, surtout à grande vitesse et les accidents n'était pas rares. En fait, les meilleurs moyens pour bien contrôler la vitesse, restaient encore un chasse-neige « athlétique » ainsi qu'un puissant dérapage latéral.
La qualité du damage était aussi loin d'être parfaite, car elle dépendait beaucoup de la qualité de la neige, de son humidité, de sa température, et les quelques centaines de kilos d'un rouleau étaient bien léger comparés à une dameuse moderne, et ne pouvaient guère faire mieux que rendre la piste praticable aux premiers skieurs de la journée . Une fois damée, la neige ne pouvait plus être modifiée ou travaillée par ces rouleaux primitifs comme c'est le cas aujourd'hui avec les machines beaucoup plus lourdes et puissantes. La station d'Avoriaz avait tenté de passer des grillages sur les pistes pour briser les rails et autres parties gelées sans toutefois jamais atteindre les résultats obtenus de nos jours. Arrivé à la station de départ du téléphérique, bras et rouleaux étaient démontés et chargés dans la cabine, et dans le cas d'Avoriaz sur les télesièges bi-place des Foillis ou d'Arare, pour une autre séance de damage ou pour être à pied d'œuvre pour la prochaine chute de neige. Des plus petits rouleaux équipés d'une seule paire de bras étaient également utilisés pour damer de plus petites surfaces, y compris les pistes de montée des téléskis.
La fin des années soixantes allait voir la fin du damage au moyen de rouleaux sur la massif du Pleney, les dameuses de marque Ratrac - une adaptation des chenillettes américaines Thiokol - faisant alors leur débuts dans les Alpes et allant ainsi révolutionner l'art du damage dans nos stations de ski ...
dimanche, septembre 05, 2010
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